Small death

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Elle est avec toi. Dans la douleur des amours déracinées. Avec toi. Le cœur béant.

Un soleil vermeil engloutissant une terre de silence.

Qu’on la laisse dormir maintenant, qu’on la laisse rejoindre cette terre, quand danse le glacis cristallin de la lune sur le galbe mouvant des landes et des océans. Qu’on la laisse, elle est avec toi.

Elle sait tout de ce jour. Ce jour où elle a aimé tes yeux. Deux gemmes à l’éclat brut, au langage étrange, sublimées par ces rides graves comme les crêtes déchirées soulignent les mers claires. Les oiseaux effleurent la surface des eaux moirées, elle n’oublie rien de vos âmes si légères ensembles. Vos baisers absolus et parfaits. Les parfums d’éternité lorsqu’elle franchissait le seuil de ta porte.

Elle se souvient encore des secrets, des mots vrais, des exquises impudeurs. Des sentiers en l’écrin des calmes forêts. Et le sable, les vagues démentes. Et le vent des brumeuses saisons. Blottie à tes pieds, à l’autel. Ivre de toi, des brûlantes caresses, de cette force infernale, des mots murmurés dans la fièvre. Aveugle, elle s’est effondrée dans les bras d’un dieu de lumière. Eminent vertige ! Pauvres cendres ...

Tu la regardes tirer en vain sur le fil des plaies à refermer. Puis ta face se détourne de ce corps mutilé. Amour, tu disais "amour " et tu as préféré céder à l’accablante torpeur des heures stériles. Prisonnier du temps et des peurs. Elle a trop longtemps couru après ton ombre, comme une enfant perdue. Tu l’as abandonnée. Tes sabots violemment ont frappé. Aiguisant la pointe de ta flèche sur ton cœur d’airain, tu as visé juste, ton bras n’a point tremblé.

Créature des mânes, ange aux mains froides, c’est ton frimas qu’elle respire ! Sous sa peau, dans ses veines, le poison des hantises. Le souffle lui manque, tes lèvres sur les siennes ne sont plus.

Elle sera avec toi. Dans les plaines, debout sur les pierres.

Avec toi. Le cœur vide.

Un fantôme sous le dais roide et lourd des nuits sans étoiles.