Les génies du crépuscule ( Pan est vivant )
Je me suis endormie au seuil de l’antre sibyllin des génies du crépuscule. Le silence sur les prés lors que s’épanche doucement la mante des nuits enchanteresses.
Sur mes paupières glissent leurs mains ténues, dans le délicat bruissement de leurs ailes diaphanes. Ils viennent murmurer le nom secret qui, de leur royaume éthéré, ouvrira les portes. Un soupir pour emporter mon âme au delà des allées couvertes, jusqu’aux cercles de pierres, et demeurer là, sous le dôme constellé. Un lai psalmodié, substrat d’ancestrales homélies pour animer leurs danses et me révéler, en totale béatitude, l’Absolu.
Je m’éveille sous la caresse d’une aile noire. L’une s’était déployée sur mes songes, l’autre me montre l’horizon. Voici que je chemine nu-pied à l’orée d’une forêt inexplorée. Avançant vers une clairière aux pierres levées, j’entends ces ruisseaux où murmurent les fées.
Qui sont ceux qui m’épient derrière les saules argentés ? Qui a frôlé mon dos en riant doucement ?
Je suis à terre, caressant l’herbe fraîche, humant cette terre inconnue. Je pourrais presque saisir cette lune immense au dessus de moi, si douce, ronde comme le ventre fertile des déesses antiques.
Qui viendra me hanter cette nuit ? Qui donc a posé ces chandelles à la ronde ?
Le voici qui vient enfin. Ce corps robuste devant moi, le rythme de ses pas. Plus beau qu’aucun monde sous le soleil, qu’aucune montagne sous l’aube naissante, qu’aucune vallée sous la course des nuages. Il me mène sur la table de pierre et je lui offre mon cou. Sous telle étreinte, je pourrai m’éteindre en paix.
Il faut l’écrire. Ecrire son visage, écrire son sourire et son regard, écrire sa voix et son rire, écrire son âme. Je le garde là. Dans la tour de mon esprit, aux dédales infinis, aux salles innombrables, je le garde là, jusqu’à la fin. Que mon dernier souffle le libère !
Pan est vivant.