Lâcher prise

Accueil du site > Ecrits > Lâcher prise

Lâcher prise. Au bord de la falaise, les doigts crispés sur les derniers gravats. Sentir la peau brûler en glissant, les ongles gratter la terre. Les bras et le ventre déchirés de douleur, les jambes ballotter, lâcher prise. Il faut se laisser tomber maintenant. Il le faut.

Dans la sérénité, ouvrir doucement la bouche pour inspirer, écarter ses paumes sur la poussière. Détendre ses épaules, se laisser happer par le vide. Chavirer.

L’extase de la chute, l’âme béante dans la lumière, au chaud sous le soleil. Et les yeux mi-clos face au ciel merveilleux, à l’immensité. Les mains caressées par la brise, l’envol éphémère, la liberté. Exquise, jouissive apesanteur. Tomber.

Tomber ravie, emplie d’amour, emplie de tout, de rien. Partir avec les rires, les pleurs, les confidences, les futilités. Tomber avec la paix, la peur, les découvertes, les désenchantements. Partir avec les doutes, les certitudes, le découragement, l’envie. Ne pas oublier, jamais.

La mer est en bas, tu la regardes d’en haut. J’ai écarté les bras en souriant. Tu es là. Les flots m’attendent. Ils tournent et tournent d’impatience et, rives offertes aux vagues, chantent.

Je ne mourrai pas, car tu es là. Tu seras toujours là. L’oiseau de mer qui crie mon nom, c’est toi. L’odeur du sel sur mes vêtements, c’est toi. Les larmes que goûtent mes lèvres, toi encore. Les étoiles en été, les champs où se cachent les grillons, où picorent les corbeaux. Le granit et l’ardoise, les troncs noueux couverts de mousse, au pas des sources, les lambeaux de lumière sur le fil des fleuves et des rivières, toi, toi pour l’éternité.

Lâcher prise, suivre les courants enivrants, se laisser submerger. Embrasser les abysses, s’éveiller dans le silence et regarder là-haut, à la surface. Lâcher prise, pour te laisser là-bas et te rejoindre ailleurs.