De l’écriture. Hommage à Jane Austen.

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De l’écriture.

Blackpool Mill,

Hartland, Devonshire.

10 Juin 1804

Ma très chère amie,

j’ai bien reçu vôtre pli. Vous me comblez une fois de plus ma tendre Jane ! Quel présent délicat que ce recueil de Sir Walter Scott. Je vous suis gré de m’en faire découvrir la poésie et gage que ce jeune homme connaitra le succès qu’il mérite. J’apprends avec dépit que vôtre dernier manuscrit vous fût hélas retourné. Voilà un éditeur bien peu scrupuleux que celui de Bath, autant ma foi que Mr Crabe qui refusa dédaigneusement vôtre premier roman. Peut-être obtiendrez-vous meilleur soutient auprès d’ Egerton et Murray ? Londres saurait, à mon sens, davantage vous promouvoir. Je vous le souhaite de tout cœur ma talentueuse Jane, vous le méritez amplement.

Mon amie, vous qui vous êtes installée en une bourgade étrangère à tout souci littéraire, vôtre pugnace travail d’écriture vous fait honneur et se doit d’être considérablement publié. De part vôtre exceptionnelle intelligence, vôtre élégance, vôtre virtuosité, vous échapperez, ce qui est une condition d’avenir, aux passions fugitives et à l’influence des cénacles. Je vous porte une sincère et vive admiration chère Jane. Face à vôtre inébranlable enthousiasme, les caprices de mon cœur brisé me font honte quand il s’agit de ne parvenir aucunement à reprendre la plume.

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J’aimerai tant écrire, tout comme vous le faites, pour au préalable me satisfaire, sans m’inquiéter outre mesure des jugements portés sur mon œuvre, sans être terrifiée par la critique, que ce soit celle des confrères ou de la multitude. Il n’est pas d’écrivain et d’artiste qui n’obéisse à un élan souverain de l’âme et je parviens nonobstant à brider cet élan. J’espère le succès tout en le redoutant. Comment nourrir l’attrait du lecteur sur nos œuvres sans se fourvoyer, sans s’enliser ? De nos jours, beaucoup d’entre nous tendent à être gâtés par la course à la gloire, les préoccupations du renom, les récompenses à acquérir, une critique à désarmer coûte que coûte.

Mes pensées spéculatives enveniment mon existence. Je sais être bien trop susceptible aux scrupules et cette maladie de l’incertitude me mine plus qu’assez. Mais cessons-là tant de mornes apitoiements, je n’aspire point à vous empoisonner avec les affres de mon esprit, pardonnez-moi ma tendre amie.

Je pense bien à vous, n’en doutez point, à vous mon immuable soutient,

Lizzie.

à suivre ...

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